ll faut aussi que je vous raconte quelques souvenirs sur le courre du lapin, qui est fort amusant. Le dimanche, ayant déjà chassé le chevreuil le samedi, je me mettais à chasser à courre ce petit animal.
J’étais dans la Nièvre, je partais seul avec mon piolet et mes cinq petits chiens (achetés à mon cousin Hubert Devault de Chambord). J’allais dans les boqueteaux qui entouraient Boux ou dans les environs proches.
Ces chiens, de grands bassets vendéens, étaient des croisements de bassets à poils durs et de Beagles. Ce mariage de race était très réussi, et ils m’étonnaient par leur comportement.
Sur un lapin chassé pendant vingt minutes, ils étaient de change à vue quand il partait sous leur nez ; ils étaient très requérants et faisaient rapidement leur retour. Ils étaient vifs, très chasseurs et très ensemble dans leur travail.
Les lapins se terrent peu ; en tout cas on les reconnait facilement à l’essoufflement qu’ils prennent dans le terrier et on les fait ressortir aussitôt.
L’attaque était facile, surtout avant la myxomatose. Mais il faut toujours éviter les endroits où il y a de trop grands, trop nombreux terriers car ils gênent la chasse.
C’était vraiment idéal dans notre pays. On attaquait très facilement et le terré était assez rare. Je m’amusais beaucoup, avant le déjeuner, à passer trois ou quatre heures et à prendre deux ou trois lapins. Certaines chasses duraient deux heures et demie, d’autres, au contraire, les très courtes, duraient une demi-heure.
Je me souviens d’un grand mâle attaqué à l’Etang du Loup qui a fait une chasse très dure ; aussitôt son attaque, il part sur le Boissot, va tâter les terriers des Gias sans s’y arrêter, prend la direction de La Lie (où il va ruser en plaine), reprend la direction du Bourgueteau, sort en plaine, et va passer à deux kilomètres par les champs (ce qui est extrêmement rare pour un lapin) pour gagner les bois de Chapitre. Je sens les chiens qui chargent et je me doute qu’il n’y en a plus pour longtemps. ll est presque tout le temps en bordure des bois et gagne Le Chandelier par les haies touffues et épaisses, donnant l‘impression de ne pas se faire voir ; heureusement, je l’aperçois à 200 mètres, portant la hotte et très malmené. Il est tellement sur ses fins que je le vois tomber en voulant passer un petit fossé. Je laisse faire les chiens qui viennent d’arriver et j’attends, en regardant ce que ma petite meute va faire. Ils vont jusqu’à la haie assez loin dans le pré et requêtent assez longtemps. Je vois "Vénus" qui accuse, donne de la voix et se récrie ; tous les autres le rallient et à ce moment, mon lapin bondit au milieu d’eux. II y a un couic rapide, la chasse avait duré environ deux heures un quart ; c’est un grand parcours pour un lapin !
Jean de Roüalle († 1973)