81-82 : Michel Carrez sur les Bertranges

LA BERTRANGE SAINTE MARIE : CHRONIQUE D’UNE FORÊT A TRAVERS LES SIÈCLES

A quelques kilomètres, à l’ouest et au sud-ouest de La Charité, sur les première pentes du plateau nivernais, s’étend un important massif forestier, dont l’essentiel est constitué par la forêt domaniale des Bertranges, lieu de promenade et de délassement très apprécié.

Le nom de forêt des Bertranges est l’héritier de celui de "Grande Bertrange" qui désignait la partie boisée des biens dépendant de la seigneurie de Narcy.

Le 15 août 1121, Hugues de Till, seigneur de Narcy, pour satisfaire le voeu exprimé par sa femme, Ermengarde, sur son lit de mort, donna solennellement au couvent des Bénédictines de La Charité, la majeure partie des biens qu’il possédait dans la seigneurie, dont "La Grande Bertrange", qui prit le nom de Bertrange Sainte-Marie, et par le fait, devint leur propriété en droit canon.

Le couvent acquit en outre en 1253 les bois appartenant, sur le même plateau, à Etienne de Blancafort et Agnès, son épouse.

A l’époque ces bois couvraient 6 000 arpents (ou grands arpents), soit 3 560 ha. Vers l’est, les confins devaient être à peu près ceux des communes de Chaulgnes et de Raveau ; au sud-est, les bois du Prieuré touchaient les bois de Frasnay acquis au XVIIIe siècle par Babaud de la Chaussade et au nord-est, les usages de Narcy dont le Prieuré deviendra seigneur et propriétaire foncier pour un tiers en 1364 (La Petite Bertrange). A l’ouest les confins étaient sensiblement ceux du massif actuel.

En 1707, la forêt ne comprenait plus que 2 750 arpents, soit 1 500 ha.

Elle s’accrut successivement à la suite de diverses transactions, si bien qu’en 1739 la contenance est de 4524 ha dont 3700 dans les Bertranges.

La propriété nationale s’accrut des bois de Babaud de la Chaussade, acquis par Louis XVI le 8 mars 1781 en même temps que les Forges de la Marine.

Ces bois gérés par la Marine pour ses besoins propres de construction de navires furent adjoints aux Bertranges en 1884 et remis à l’Administration forestière.

La contenance totale de la forêt domaniale des Bertranges atteint maintenant 6310 ha.

Ont été acquis en 1972, une partie des propriétés du Prince de Broglie et en 1980, une partie des propriétés de M. Lasne du Colombier, qui agrandit le massif de 970 ha.

Le premier aménagement du massif date de l’arrêté du Conseil du Roi du 9 décembre 1687. La forêt fut exploitée en taillis sous futaie à la révolution de 16 ans. ll fut appliqué jusqu’en 1739. Un nouvel arrêté du 5 août 1738 fixa la révolution à 20 ans et étendit la partie en réserve. Cet aménagement fut appliqué plus ou moins bien et dans un désordre indescriptible jusqu’en 1884.

La réserve fut exploitée pour la dernière fois de 1802 à 1809. Jusqu’à l’époque moderne, la forêt des Bertranges a fourni en bois de construction et de chauffage, le Prieuré et les établissements agricoles qui en dépendaient, de même que les forges de Raveau qui faisaient partie du bénéfice du Prieur commendataire.

Dans sa partie sud, elle alimentait les forges de Guérigny et les établissements annexes situés le long des rivières.

Elle fournissait également la Marine en bois de charpenterie et en bois courbés, ou fourchus, pour les étraves, etc.

L’extinction de la métallurgie nivernaise, l’accroissemenet de besoins en bois de construction, la mévente des bois de feu ont changé l’orientation économique de la forêt et imposé la conversion progressive du massif en futaie en vue de produire des bois de qualité : tranchage, bois à merrains, ébénisterie.

Les premières conversions en futaie débutèrent en 1876 et 1886 et se sont continuées depuis, pour s’étendre sur la totalité.

Les régénérations ont commencé, depuis environ 30 ans, par l’ancien quart en réserve du Prieuré, qui entoure le Rond de la Réserve.

Sacrifice de bois trop mûrs nécessaire pour assurer l’avenir économique de la forêt et permettre à nos enfants et petits-enfants de voir, eux aussi, les futaies des Bertranges encore plus belles, annoncées par les gaulis en pleine croissance.

Michel CARREZ
Annuaire 1981-1982